Suite à plus d'une vingtaine de tournois qualificatifs organisés dans le Monde, les meilleurs joueurs de sandpaper issus de ces qualifications étaient présents en ce premier week-end de janvier 2014 à l'Alexandra Palace de Londres, pour la 3ème édition du World Championship of Ping Pong, un tournoi doté de $100000 de prix, et retransmis en direct sur Sky Sports. A ces 57 joueurs, se rajoutaient 7 des 8 quarts de finalistes de l'année dernière, le finaliste Sule Olaleye ayant dû déclarer forfait pour cause de blessure. Les joueurs présents étaient de niveaux très divers en raquette "mousse" : plusieurs d'entre eux étaient présents dans le classement ITTF, dont certains dans le Top 300 (Lubomir Pistej, Marc Duran, Andrew Baggaley, Gavin Rumgay, Filip Szymanski...), d'autres l'étaient encore il y a quelques temps (Andrew Rushton, Colum Slevin, Oriol Monzo...), d'autres encore avaient un bon niveau national dans leur pays, d'autres enfin un bon niveau régional, mais tous avaient prouvé qu'ils savaient bien manier la "raquette en bois". Parmi eux, le double vainqueur Maxim Shmyrev, bien décidé cette année à s'imposer à nouveau en finale.
Le principe essentiel de ce tournoi : tout le monde joue avec le même modèle de raquette, avec des revêtements en papier de verre générant très peu d'effet, encore moins qu'un picot court sans mousse. Une sorte de version extrême du hardbat en quelque sorte. Autres règles spécifiques de cette compétition : les parties se jouent en 2 manches gagnantes de 15 points, même sans 2 points d'écart (principe de la "mort subite"), et une fois dans la partie, sur son service, et après avoir marqué au maximum 12 points, chaque joueur a le droit de demander le double point. S'il remporte son service, il marque alors 2 points. Les temps morts ne sont pas autorisés.
Côté français, 4 joueurs s'étaient qualifiés lors du tournoi de Chilly-Mazarin : Cyril Cibiel et Jérôme Vitel, tous deux du TT Courbevoie, respectivement vainqueur et finaliste, ainsi que les 2 demi-finalistes, Jean-Michel Carquin, de Saint Pair-Bricqueville, et Agnès Le Lannic, N° 38 FFTT et évoluant en Pro A à Lys-lez-Lannoy.
Cyril Cibiel
Jérôme Vitel
Agnès Le Lannic
Jean-Michel Carquin
Avec eux, une petite délégation d'accompagnateurs, dont votre serviteur, avait fait le déplacement pour les coacher ou les encourager.
Premier objectif des joueurs français : sortir des poules. Bon départ pour Cyril Cibiel, qui bat facilement son premier adversaire, bien moins bon pour les trois autres, qui perdent chacun leur premier match, Jérôme Vitel étant en plus déstabilisé par le fait que sa poule était retransmise en direct sur Sky Sports.
Tandis que Cyril Cibiel perdait son second match avec les honneurs contre l'un des favoris du tournoi, Lubomir Pistej (N° 170 mondial), les trois autres arrivaient à rester en course en remportant chacun le leur. Il fallait donc que les Français gagnent leur troisième partie pour intégrer le tableau final.
Mission réussie facilement pour Cyril Cibiel (victoire 15/9 15/9 contre l'Allemand Jürgen Leu), plus difficilement pour Jean-Michel Carquin (vainqueur 2/1 du Néerlandais Lars Adema), anormalement tendu pendant tout le déroulement de sa poule. Malheureusement, Agnès Le Lannic, malgré une défense très solide face au Néerlandais Martin Groenevold, et Jérôme Vitel, face à Dmitri Popov, partenaire d'entraînement de Shmyrev, perdaient leur troisième partie, et étaient ainsi éliminés du tournoi. Nous avions donc deux joueurs français qualifiés pour les 1/16 de finale, un résultat plutôt correct, les deux autres étant sortis avec une honorable victoire.
Le soir de ce premier jour de compétition se jouaient les 1/16 de finale. Après une facile victoire de Maxim Shmyrev contre le tombeur d'Agnès Le Lannic, Martin Groenevold, c'était au tour de Cyril Cibiel d'avoir les honneurs de la télévision, face à l'ancien champion autrichien d'origine chinoise Ding Yi, quart de finaliste olympique à Barcelone en 1992. Départ difficile pour Cyril qui se voit rapidement mené dans la première manche, mais il revient peu à peu au score, pour perdre finalement 15/13. Sur la lancée de sa fin de set, il gagne alors la deuxième manche 15/12. A la belle, Cyril Cibiel arrive à garder l'avantage jusqu'à la fin et remporte donc cette troisième manche à nouveau sur le score de 15/12. Il y aura donc au moins un Français en 1/8 de finale !
"At last but not least", comme disent nos amis anglais, c'est Jean-Michel Carquin qui ferme la marche de ce premier tour du tableau final, contre le Russe Vladislav Kutsenko, et sur la table télévisée ! Dès le début de la partie, on voit que Jean-Michel s'est libéré de la pression de la compétition, car il lâche beaucoup mieux ses coups qu'en poule. Le résultat ne se fait pas attendre : il gagne cette première manche 15/12. On s'attend bien sûr à une réaction du Russe, celle-ci arrive dès le début de la seconde manche, où il élève son niveau de jeu et ne donne aucune chance au joueur français qui fait de nombreuses fautes en tentant de suivre le rythme : 15/8 pour Kutsenko. Dans le troisième set, Kutsenko maintient un rythme élevé dans la partie, et malgré quelques beaux points, Jean-Michel Carquin est battu 15/11 et est donc éliminé du tournoi.
Le lendemain, le clan français attend avec impatience le 1/8 de finale de Cyril Cibiel contre rien moins que le tenant du titre, le Russe Maxim Shmyrev. Mais celui-ci doit montrer à tous "who's the boss" ("qui est le patron"), et ne laisse aucune possibilité à Cyril de s'exprimer en ne le laissant marquer que 2 petits points... Dans la deuxième manche, une fois l'écart creusé, Shmyrev lève un peu le pied et laisse Cyril Cibiel jouer un peu, ce dernier arrivant alors à marquer 7 points. Commentaire de Cyril après le match : "Ca allait trop vite, je n'avais même pas le temps de jouer". Autant dire que Shmyrev venait de montrer à tout le monde qu'il faudrait jouer très fort pour arriver à le battre cette année.
Tous les Français étant à présent sortis du tournoi, le clan tricolore pouvait s'intéresser à la suite de la compétition. Dans les 1/8 de finale suivants, le bondissant Ecossais Gavin Rumgay éliminait facilement le champion de hardbat nigérian Kazeem Adeleke. Le Philippin et spécialiste du sandpaper Richard Gonzales sortait sur le plus petit des écarts (15/14 à la belle) le surprenant Allemand Alexander Flemming. Dans un match de très haut niveau, l'Anglais Chris Doran éliminait l'international espagnol Marc Duran, et se positionnait comme l'un des favoris pour la suite de la compétition (il avait atteint les demi-finales l'année dernière). L'Américain d'origine yougoslave Ilja Lupulesku, l'Anglais Andrew Baggaley, le Slovaque Lubomir Pistej et l'Anglais Andrew Rushton se qualifiaient eux aussi et facilement pour les 1/4 de finale.
Gavin Rumgay
Chris Doran
Lubomir Pistej
Le premier 1/4 de finale opposait Maxim Shmyrev à Gavin Rumgay. Malgré une bonne résistance de l'Ecossais, Shmyrev remportait le premier set 15/11 sans trop de difficulté. Sa route vers la 1/2 finale semblait donc toute tracée. Cependant, c'était sans compter sur Rumgay qui arrivait à élever son niveau de jeu pour mettre le Russe en difficulté, et il remportait la deuxième manche 15/12. Mais il était dit que la logique serait respectée, et à la belle, Rumgay n'arrivait pas à suivre le rythme imposé par Shmyrev, et ce dernier finissait par gagner facilement 15/5.
Le deuxième 1/4 de finale promettait d'être équilibré, puisqu'il opposait le spécialiste du sandpaper Richard Gonzales au 1/2 finaliste 2013 Chris Doran. Et c'est le Philippin qui entamait le mieux cette partie, enfermant son adversaire dans son jeu à base de défenses coupées du revers très variées, et d'attaques du coup droit rapides et bien placées, et il gagnait facilement la première manche 15/7. Pour s'en sortir, l'Anglais devrait varier son jeu en attaque et prendre plus l'intiative, ce qu'il fit dans le deuxième set, qu'il remportait 15/10. Mais il était difficile pour lui de maintenir le même rythme pendant la troisième manche, alors que Gonzales déroulait son jeu comme un métronome, et c'est ce dernier qui se qualifiait pour la 1/2 finale en gagnant la belle 15/10, laissant son adversaire très déçu par sa défaite.
Dans le troisième 1/4 de finale, Ilja Lupulesku rencontrait Andrew Baggaley. Petit avantage pour le premier qui avait atteint les 1/2 finales l'année dernière, alors que le parcours de Baggaley s'était arrêté en 1/4 de finale. Et de fait, "Lupu" avec son jeu tout en attaques placées prenait logiquement le meilleur sur Baggaley (15/9). La deuxième manche était à l'identique de la première, mais à la fin, Lupulesku relâchait un peu la pression, ce qui permettait à son adversaire de revenir à 14/14. Avec la règle spécifique du tournoi, on avait donc une balle de match pour l'un, et une balle de set pour l'autre. Et finalement, c'est Lupulesku qui marquait cet ultime point et se qualifiait lui aussi pour les 1/2 finales.
Le dernier 1/4 de finale était très attendu, puisqu'il permettrait de voir ce que ferait le meilleur classé ITTF du tournoi, Lubomir Pistej, face à un joueur visiblement très préparé pour cette compétition, Andrew Rushton. Dans le camp français, le Slovaque était le favori, mais depuis les poules, l'Anglais avait montré un mental à toute épreuve. Et c'est le plus fort mentalement qui l'emporta finalement, Rushton étouffant littéralement son adversaire par son jeu d'attaque en vitesse et en puissance, ne laissant aucun répit à celui-ci (15/12 15/8).
Richard Gonzales
Andrew Rushton
La première 1/2 finale opposait Maxim Shmyrev à Richard Gonzales. Comme d'habitude, le Russe imposait son rythme en première manche, et gagnait celle-ci sur le score de 15/7. Mais comme souvent, Gonzales se mettait dans le rythme au deuxième set, et selon son habitude, empêchait son adversaire de développer son jeu grâce à sa défense du revers, sans oublier de contre-attaquer du coup droit dès que l'occasion se présentait. Résultat : 15/9 pour lui, il était le troisième joueur du week-end à prendre un set au tenant du titre. Shmyrev aurait donc besoin de jouer un set de plus pour espérer défendre son titre. Ce qu'il fit de manière magistrale : incapable de suivre le rythme, le Philippin était éliminé sur le score de 15/8, non sans avoir enthousiasmé les spectateurs durant ces 2 jours.
Dans la deuxième 1/2 finale, difficile de savoir qui de Lupulesku ou de Rushton remporterait le match, l'expérience et le toucher de balle s'opposant à la fougue et à la vitesse. Dans le camp français, avantage à Lupulesku sur ce qu'il avait montré dans les parties précédentes, mais après avoir sorti Pistej, Rushton semblait capable de tout. Mais Lupulesku n'était pas Pistej, et son expérience du sandpaper (il avait atteint les 1/2 finales l'année dernière) et son jeu tout en finesse lui permettait de prendre facilement le meilleur sur Rushton (15/6 15/10), qui aura fait tout de même un excellent parcours.
Ilja Lupulesku
Nous voici donc arrivés à la finale de ce 3ème World Championship of Ping Pong. D'un côté : Maxim Shmyrev, vainqueur des deux précédentes éditions, bien préparé pour l'événement (un mois d'entraînement non stop !), et bien décidé à conserver sa couronne. De l'autre côté : Ilja Lupulesku, joueur d'expérience, international pendant plus de 20 ans (!), 1/2 finaliste l'année dernière, mais battu justement par Shmyrev. La partie se déroulera en 3 manches gagnantes, chaque joueur ayant droit à 2 doubles points pendant le match. Comme d'habitude, le Russe démarre fort dès la première manche, et s'impose 15/7 sans avoir laissé le temps à son adversaire de rentrer vraiment dans la partie. On pense que celui-ci prendra le rythme dans la deuxième manche, mais celle-ci est la réplique de la première : Shmyrev asphyxie à nouveau l'Américain, et gagne le set 15/8. "Lupu" n'a donc plus le choix : il doit gagner la troisième manche pour garder l'espoir de remporter la finale. Mais, malgré un relâchement en fin de manche qui permet à Lupulesku de revenir au score, Maxim Shmyrev remporte ce troisième set 15/12, et se trouve donc sacré Champion du Monde de Ping Pong pour la troisième fois consécutive.
Maxim Shmyrev
Champion du Monde de Ping Pong !
Que retiendra-t-on de ce 3ème WCPP ?
- Que Maxim Shmyrev confirme qu'il est le meilleur joueur mondial en sandpaper.
- Que ça n'est pas souvent qu'une compétition sportive se déroule dans un bâtiment victorien du XIXème siècle.
- Que la dotation n'a rien à envier au World Tours de l'ITTF.
- Que le niveau de jeu général du tournoi était beaucoup plus élevé qu'en 2013, grâce aux tournois de qualification qui ne gardent que les meilleurs, et qu'il sera certainement encore plus élevé l'année prochaine.
- Que l'organisation était digne d'un grand événement sportif international, grâce au travail de Matchroom Sport.
- Que ça n'est pas souvent que le tennis de table à droit à 11 heures de retransmission en direct à la télévision (même si c'est du sandpaper) .
- Que les conditions de jeu n'étaient pas toujours idéales en poules (aires de jeu trop petites, éclairage perfectible sur certaines tables).
- Que les Français s'en sortent plutôt bien, avec 2 joueurs qualifiés pour le tableau final.
- Et que je serai à nouveau là l'année prochaine pour encourager une délégation française encore plus forte qu'en 2014.
Crédits photos : Michael Loveder Photography
- Que Maxim Shmyrev confirme qu'il est le meilleur joueur mondial en sandpaper.
- Que ça n'est pas souvent qu'une compétition sportive se déroule dans un bâtiment victorien du XIXème siècle.
- Que la dotation n'a rien à envier au World Tours de l'ITTF.
- Que le niveau de jeu général du tournoi était beaucoup plus élevé qu'en 2013, grâce aux tournois de qualification qui ne gardent que les meilleurs, et qu'il sera certainement encore plus élevé l'année prochaine.
- Que l'organisation était digne d'un grand événement sportif international, grâce au travail de Matchroom Sport.
- Que ça n'est pas souvent que le tennis de table à droit à 11 heures de retransmission en direct à la télévision (même si c'est du sandpaper) .
- Que les conditions de jeu n'étaient pas toujours idéales en poules (aires de jeu trop petites, éclairage perfectible sur certaines tables).
- Que les Français s'en sortent plutôt bien, avec 2 joueurs qualifiés pour le tableau final.
- Et que je serai à nouveau là l'année prochaine pour encourager une délégation française encore plus forte qu'en 2014.
Crédits photos : Michael Loveder Photography